Centre d'interprétation des moulins de Fuerteventura...
Lors de notre dernier séjour à Fuerteventura, j'ai eu envie de revoir le "Centre d'interprétation des moulins" visité en 2009 lors d'un voyage organisé. A l'époque, je n'avais pas encore de blog où transcrire mes différentes escapades...
Le Centre d’interprétation des moulins est installé dans une maison "Majorera" traditionnelle du village de Tiscamanita, au centre de Fuerteventura. Le musée jouxte un moulin à vent rénové des plus intéressants. Dans ce Centre d’interprétation, on peut y découvrir l’ensemble de la culture liée au gofio, un aliment qui a permis, pendant des siècles, de pallier à la faim sur l’île.
L'économie de l'île de Fuerteventura était traditionnellement basée sur la culture des céréales, ce qui a façonné le territoire et le paysage rural.
Cependant, depuis la fin du XXème, un nouveau modèle économique basé sur le tourisme a été mis en place, qui transforme profondément ces structures traditionnelles.
Malgré ce changement, il reste de nombreux éléments qui témoignent du mode de vie sur l'île depuis des siècles, comme les moulins à vent, témoins silencieux de l'histoire de l'île.
La culture des céréales a longtemps été le pilier du régime alimentaire de l'île. Traditionnellement, l'orge, le blé et le seigle y étaient cultivés.
Les systèmes de broyage ont évolué au fil du temps dans l'ordre chronologique suivant :
1. Mortiers 2. Moulins à main 3. “Tahonas” (moulins à sang ou moulins actionnés par animaux) 4. Moulins à vent 5. “Molinas”.
La mouture ou le broyage des grains a été une activité constante dans l'économie traditionnelle de Fuerteventura. À l'époque aborigène, les premiers habitants de Fuerteventura, les "majos" écrasaient les grains issus de la collecte de graines sauvages dans des mortiers et des moulins à main rudimentaires. La colonisation européenne a entraîné l'introduction de l'agriculture et de systèmes de meunerie plus évolués en provenance des royaumes hispaniques, des Flandres et de la Hollande, ainsi que l'arrivée d'une nouvelle céréale, le maïs, apportée du Nouveau Monde.
Les îles Canaries ont également contribué à cet échange de connaissances en envoyant des meules déjà taillées dans la roche volcanique, qui était très abondante dans les îles.
Les "majos", écrasaient les graines dans des mortiers ronds et “naviformes” (en forme de bateau). Ces mortiers étaient des pierres creuses, grossièrement sculptées, dans lesquelles les grains étaient placés et écrasés avec une pierre plus petite et arrondie, manipulée à la main.
Le moulin à main était le système de mouture le plus utilisé dans l'histoire de Fuerteventura depuis l'époque aborigène jusqu'au XXème. Le système préhispanique consistait en deux pierres circulaires superposées, perforées au centre, avec une face intérieure plate et une face extérieure convexe, La meule supérieure était mobile. On l'actionnait directement à la main ou à l'aide d'une poignée en bois ou en os pour le faire tourner sur la meule inférieure, fixée au sol au moyen d'un axe. Le grain était introduit par le trou de la meule supérieure, écrasé entre les deux pierres et ressortait par les bords. Le moulin utilisé après la conquête était basé sur le modèle aborigène, y compris les variations techniques. La plus notable est l'inclusion d'une tige qui permet à la pierre supérieure de tourner sur la pierre inférieure sans bouger. Les moulins à main étaient généralement installés dans un coin de la cuisine, sur un socle en maçonnerie, et étaient actionnés au moyen d'un bâton en bois dont l'extrémité supérieure était fixée au mur.
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La “tahona” était un système de mouture plus imposant qui utilisait des chameaux ou des ânes comme force motrice. Il était actionné en poussant une poutre en bois incurvée appelée "almijarra" qui, avec le mécanisme de broyage de la tahona, permettait de déplacer la meule. Il était généralement situé à côté ou attaché à une grande habitation paysanne et était souvent utilisé collectivement.
Le moulin à vent (molino).
Arrivés sur l'île au XVIIIème, les moulins à vent ont constitué une nouvelle étape dans l'évolution des systèmes de meunerie. Avec une structure très similaire à celle des moulins de Castille, ils constituaient un élément clé de la vie des Majoreros. Ils étaient principalement situés dans le centre-nord de l'île, dans des endroits ouverts aux vents dominants et avec un terrain plat pour faciliter leur construction, devenant ainsi un élément caractéristique du paysage de l'île. Le moulin à vent a apporté d'énormes avantages dans la mouture du grain, bien qu'il n'ait pas entraîné l'abandon des anciens systèmes de mouture tels que le moulin à main et la "tahona", qui ont continué à être utilisés à un niveau domestique et dans les périodes où il n'y avait pas de vent. En raison de leur valeur ethnographique et historique, en tant que derniers bastions de la mouture du grain avant l'arrivée des procédés mécaniques sur l'île, ces bâtiments séculaires ont été reconnus comme "Bien d'intérêt culturel". Cette reconnaissance signifie la protection, la récupération et la conservation des moulins de Fuerteventura.
Comment fonctionne-t-il ?
La structure imposante du moulin contraste avec ses pales qui tournent légèrement. Mais ce mouvement, qui semble si léger, exerce une grande force à l'intérieur du moulin à vent qui fait tourner deux pierres pesant plus d'une tonne. Tout le processus commence par le placement des voiles en tissu sur les ailes et leur orientation dans la direction du vent, à l'aide de la guivre (la queue ou gouvernail) L'énergie du vent est transmise aux meules par l'intermédiaire des machines du moulin et les fait tourner pour moudre le grain. Le meunier doit contrôler la vitesse et le taux de rotation à l'aide du frein pour assurer un bon broyage. S'il moud trop rapidement, le grain risque de brûler, et s'il moud trop lentement, le grain n'aura pas la texture attendue. Il faut également surveiller l'espace entre les deux meules et les rayonner lorsqu'elles sont usées, avec un marteau et un ciseau, pour leur redonner leur rugosité. Le contrôle du frottement et de la vitesse de broyage est essentiel pour obtenir un bon gofio, mais aussi pour le bon fonctionnement de la machine, qui pourrait tomber en panne si le frein et le levier sont mal utilisés. Le chemin suivi par le grain torréfié commence dans la trémie, d'où il tombe progressivement dans l’œillard, qui l'amène aux meules ou pierres meulières. Les meules broient et déplacent le produit vers l'extérieur. La farine obtenue, ou gofio, tombe à travers un tube dans les sacs et sachets qui, dans les moulins à trois étages, se trouvaient dans celui du centre.
La molina.
Au XIXème, La Molina est arrivée sur l'île. Don Isidoro Ortega, originaire de La Palma, est l'inventeur de ce nouveau type de moulin à vent. Bien qu'il fonctionne de la même manière que le moulin, il a un aspect extérieur différent. Sa machinerie est plus simple et présente certains avantages par rapport au moulin à vent. Le bâtiment se compose d'un seul étage, où se trouve la machinerie, ce qui facilite le travail du meunier. En outre, les machines et le bâtiment sont indépendants, ce qui signifie qu'ils peuvent être déplacés si nécessaire. Pour ce faire, il a suffi de déplacer les machines et de construire un nouveau plan quadrangulaire dans le nouvel établissement.
Les pierres meulières.
L'un des éléments essentiels du moulin et de la "molina" étaient les meules ou pierres meulières, des pierres circulaires d'origine volcanique conçues pour broyer les grains de céréales. À Fuerteventura, la plupart des meules étaient extraites de carrières situées à Lajares (La Oliva).
L'introduction des moulins (molinos) à vent et des molinas a signifié l'abandon progressif de la mouture dans la maison du paysan. Les céréales étaient apportées au moulin, où le meunier les transformait en farine ou gofio. Le travail de meunier était normalement payé en nature, avec du gofio, des céréales ou d'autres produits agricoles, bien que le paiement en espèces se soit généralisé à partir du 20ème. La portion de céréales donnée en paiement de la mouture était appelée "maquila".
Le gofio est l'un des piliers de la culture canarienne, et un nutriment fondamental en période d'abondance comme en période de pénurie. Il en existe de nombreuses sortes : orge, maïs, blé, seigle, lupins, lentilles, pois chiches... En période de famine, même le gofio de banane, la racine de fougère et la ficoïde glaciale (barrilla) étaient utilisés.
Le gofio aujourd'hui.
Dans la production du gofio, la sagesse des maîtres meuniers a été transmise de génération en génération. Aujourd'hui, bien qu'avec des améliorations technologiques, les principes fondamentaux du processus de production sont maintenus, ce qui a permis de conserver les qualités du gofio intactes au fil du temps.
Après avoir été nettoyées et tamisées, les céréales sont grillées. Cette étape est ce qui différencie le gofio des autres farines et le rend plus digeste. Lorsqu'il refroidit, il est broyé, toujours avec des pierres horizontales, traditionnellement en basalte, une roche volcanique très répandue sur les îles.
Le gofio canarien est encore aujourd'hui l'aliment le plus traditionnel de l'archipel, ainsi qu'un élément central de sa gastronomie. Il bénéficie d'une appellation d'origine protégée depuis 2014. Il est présent dans de nombreux plats de la cuisine canarienne moderne, étant inclus dans la préparation des glaces et des mousses, par exemple. La façon la plus courante de le consommer est avec du lait ou dans des ragoûts, également pétri, en accompagnement de repas (formant des boulettes) ou "escaldado", c'est-à-dire mélangé à du fumet de poisson. (échaudé). Le gofio est un produit naturel, sans conservateur ni colorant, très énergétique, car il conserve les propriétés nutritionnelles de la céréale dont il est issu. Il est très riche en glucides et en fibres, et contient des vitamines B1, B2, B3 et C, ainsi que du fer, du calcium, du magnésium et du sodium.
Il est très important de souligner que si le gofio était la base de l'alimentation de la population et était consommé quotidiennement, le pain à base de farine blanche auquel on ajoutait de la "matalauva", comme on appelle l'anis vert aux Canaries était réservé à des occasions très spéciales comme les fêtes, les baptêmes...
Et pour terminer cette visite du centre d'interprétation, clin d’œil sur la cour et son four à pain entièrement rénové. De nombreux fours à pain sont encore visibles dans certaines maisons de village...
OK ! j'ai été bien bavarde... Prochainement et "pour changer", vous aurez un panel complet des moulins visibles sur l’île et peu de texte !!!
Merci pour tous vos petits messages de sympathie qui boostent pour continuer...
Bonne journée à vous tous qui passez par là !